JANVIER 2025 |
- I. PRESENTATION DES PARTENAIRES
I.1. Main dans la Main-Fondation Kirchmann pour l’Afrique.
Main dans la Main, la Fondation Kirchmann pour l’Afrique a été fondée par Felicitas et Hanns-Peter Kirchmann et s’est donnée pour mission de promouvoir des projets de développement en Afrique, principalement en Afrique de l’Ouest. L’accent est mis sur les deux (2) domaines de la santé et de l’éducation.
I.2. Association Sauvons l’Environnement, l’Eau Potable et l’Assainissement pour Tous (SEEPAT)
SEEPAT est une association de bénévoles à but non lucratif qui a été créée en 2013 pour répondre aux besoins pressants du Burkina Faso en matière d’environnement, d’accès à l’eau potable et à l’assainissement.
Dans le but de garantir un avenir meilleur sain et durable, SEEPAT vise l’amélioration du cadre de vie des populations en luttant contre la dégradation de l’environnement. SEEPAT désire par ailleurs offrir aux populations un accès à l’eau potable et des conditions d’assainissement de qualité.
- PRESENTATION DE LA COMMUNE DE DJIGOUERA ET DU VILLAGE DE SEREKENI.
Serekeni est un village de la commune rurale de Djigouera, qui est située dans la province du Kénédougou, une des trois provinces que compte la région des Hauts Bassins.
La commune de Djigouèra est limitée :
- Au Nord par la commune de Samorogouan,
- Au Sud par la commune de Orodara,
- A l’Ouest par la commune de Koloko,
- A l’Est par les communes de Banzon et Kourignon.
Elle est située à 25 km de Orodara et de Samorogouan, 100 km de Bobo-Dioulasso et 465 km de Ouagadougou.
La commune est accessible par la route Régionale R19 (Orodara – Djigouera –Samorogouan). Elle couvre une superficie de 490 km2 et compte treize (13) villages administratifs dont Serekeni.
Le village de Serekeni quant à lui, est situé dans la partie Est de la commune à environs 15 km du chef-lieu et est accessible via une piste routière.
II.1. Climat et pluviométrie.
La commune de Djigouèra est située dans la zone climatique Sud soudanien. Le climat est caractérisé par deux saisons bien marquées : une saison sèche de décembre à avril avec des vents d’harmattan et une saison des pluies qui dure de mai à octobre avec une remontée des vents océaniques chauds et humides. La plupart des activités de la commune dépendent de ces deux saisons.
La moyenne des cinq (5) dernières années donnent une valeur de 1107,36 mm/an avec un nombre moyen de 79 jours. La commune se trouve donc dans la zone la plus humide du pays. Toutefois, les précipitations sont inégalement réparties aussi bien dans l’espace que dans le temps.
II.2. Les Sols.
Au niveau de la commune, on rencontre trois (3) types de sols qui sont :
- Les sols limono-argileux à argilo-limoneux en surface, et argileux en profondeur. Ce sont des sols hydromorphes à Pseudo-Gley, chimiquement très riches. Ils conviennent bien à la culture du riz, à la culture maraîchère (Tomate, oignon, piment, gombo et autres légumes).
- Les sols gravillonnaires : Ce sont des sols ferrugineux tropicaux lessivés à concrétion sur sédiment sablo-argileux, de profondeur faible (inférieure à 40 cm). Ils sont gravillonnaires, hétérogènes dans l’espace, à valeur agricole faible.
- Les sols argilo-sableux en surface et argileux en profondeur : Ils regroupent les sols bruns eutrophes en unité pure ou en terme dominant d’association avec d’autres sols.
Ce sont pour la plupart des sols profonds (supérieur à 100 cm), d’excellente qualité et aptes pour les cultures de rente comme le sésame, le coton et l’arachide.
II.3. Occupation des terres.
Dans la commune de Djigouèra, en termes d’occupation des terres, on peut noter que plus de la moitié des terres (76%) sont occupées par des espaces de cultures ou des champs. Les formations végétales ou le couvert végétal (forêt galerie et savanes) occupent environ 23% de l’espace de la commune. Les espaces d’habitation représentent moins de 1% de l’espace communal.
II.4. Ressources en eau.
Les ressources en eau de la commune se distinguent en 2 types de ressources : les ressources en eau de surface et les ressources en eau souterraine.
Pour ce qui concerne les ressources en eau de surface ou plans d’eau, on dénombre d’importants cours d’eau qui sont entre autres :
- le Pendia qui occupe la partie septentrionale,
- la Guenako ou le Mouhoun au Nord –Est qui est un cours d’eau pérenne.
L’ensemble du réseau appartient au bassin hydrographique du Mouhoun
Les ressources en eau souterraine sont principalement constituées de 85 forages, 01 AEPS au chef-lieu de la commune et de nombreux puits qui permettent à la population de la commune de s’approvisionner en eau.
II.5. Production agricole.
L’agriculture constitue l’activité de production dominante de la commune rurale de Djigouèra. Elle est occupée par plus de 95% de la population active. C’est une agriculture de type extensif. Les principales productions sont : les cultures de rente, les cultures vivrières, la production fruitière et la production maraîchère (voir tableau ci-dessous).
Tableau : Production agricole des campagnes 2020-2021 et 2024-2025
Spéculations | Production agricole en 2020-2021 | Production agricole en 2024-2025 | ||||
Superficies (ha) | Production (T) | Rendement (T/ha) | Superficies (ha) | Production (T) | Rendement (T/ha) | |
Mil | 581 | 406,7 | 0,7 | 1265 | 1518 | 1,2 |
Sorgho blanc | 3430 | 2401 | 0,7 | 1730 | 1557 | 0,9 |
Maïs | 4702 | 11755 | 2,5 | 2895 | 10132,5 | 3,5 |
Riz bas fond | 1550 | 3875 | 2,5 | 859 | 3006,5 | 3,5 |
Manioc | 20 | 360 | 18 | 167 | 2505 | 15 |
Patate | 70 | 1400 | 20 | 164 | 2132 | 13 |
Niébé | 265 | 318 | 1,2 | 797 | 1036,1 | 1,3 |
Coton | 5846,63 | 8769,95 | 1,5 | 3015 | 5125,5 | 1,7 |
Arachide | 3314 | 3976,8 | 1,2 | 5255 | 9984,5 | 1,9 |
Sésame | 1460 | 730 | 0,5 | 48 | 43,2 | 0,9 |
Voandzou | 74 | 88,8 | 1,2 | 335 | 435,5 | 1,3 |
Soja | 1140 | 1026 | 0,9 | 1770 | 2124 | 1,2 |
Banane | 217 | 8680 | 40 | 305 | 12200 | 40 |
Papaye | 5 | 150 | 30 | 13 | 390 | 30 |
Mangue | 3677 | 110310 | 30 | 5310 | 159300 | 30 |
Agrumes | 164 | 4100 | 25 | 253,5 | 6337,5 | 25 |
Anacarde | 11523 | 9218,4 | 0,8 | 12946 | 11651,4 | 0,9 |
Taro | 42 | 672 | 16 | 105 | 1785 | 17 |
Source : SDARAH DJIGOUERA, Décembre 2024
- CHAMP ECOLE SUR L’AGROECOLOGIE DE SEREKENI
III.1. Définition de l’action.
Le champ école paysan (CEP) est un cadre de rencontre et de formation pour un groupe de producteurs qui se déroule dans un champ tout au long d’une saison de culture.
C’est un lieu d’échange d’expérience et de connaissances où les producteurs partagent les mêmes intérêts et prennent des décisions sur la réalisation d’un champ en partant d’une situation réelle.
Il donne aux producteurs l’opportunité d’apprendre en pratiquant et en étant impliqué dans l’expérimentation, les discussions et la prise de décision.
Il leur dote des outils pour analyser les pratiques et identifier des solutions à leurs problèmes.
III.2. Contexte.
A la suite du Projet de Gestion des Déchets Solides (D2S) à Sérékeni dans la commune de Djigouéra, Main dans la Main-Fondation Kirchmann pour l’Afrique s’est à nouveau engagée avec son partenaire SEEPAT auprès des populations de Sérékeni pour la réalisation d’un champ école sur l’agroécologie.
En rappel, le projet D2S a permis la réalisation de :
- Un (1) centre de tri et de nettoyage des déchets solides ;
- 250 bassins fumiers pour le compostage ;
- Nouvelles latrines et de forages dans les écoles primaires publiques et le CEG.
En plus de ces réalisations, les ménages, les écoles, le centre de santé et les lieux publics ont été dotés de poubelles. Une brigade verte a été mise en place pour la collecte des déchets. Cette brigade a été dotée de tricycles et d’équipements pour mener à bien ses activités. Les enseignants et les élèves ont été formés en hygiène et assainissement. Des hygiénistes ont été formés pour sensibiliser les populations en hygiène et gestion des déchets solides.
III.3. Objectifs.
L’objectif général de ce champ école est de promouvoir l’agroécologie.
Il s’agit plus spécifiquement de :
- Doter les participants de capacités sur l’identification, l’analyse et l’interprétation des informations concernant les problèmes de leur champ ;
- Doter les participants de connaissances et de capacités sur la technique de production et d’utilisation de la matière organique (compost, bokashi, fumier, …etc) dans les champs ;
- Doter les participants de connaissances sur l’agroécologie notamment les avantages de l’utilisation de la matière organique (compost, bokashi, fumier etc.) dans les champs ;
- Doter les participants de connaissances sur les enjeux climatiques auxquels l’agriculture est confrontée ;
- Partager les expériences et comparer les résultats du champ école.
III.4. Activités Réalisées.
III.4.1. Travaux agricoles/Champ école.
Désherbage et délimitation des parcelles de démonstration par les productrices et producteurs de Sérékeni.
Pour mener à bien ce champ école, SEEPAT a fait appel à monsieur KAM Sami Aimé qui est un spécialiste de l’agroécologie avec une très bonne expérience en la matière. Ce dernier a appuyé Mme OUOBA B. Aimée technicienne d’agriculture. Plus de 200 productrices et producteurs ont été formés sur l’agroécologie et les bonnes pratiques agricoles.
Afin d’assurer un meilleur suivi des parcelles de démonstration, le site du centre de tri des déchets a été choisi par les producteurs pour les travaux du champ école.
La superficie totale du champ est de 378 m2 avec 4 parcelles élémentaires de démonstration de 84 m2 chacune.
Le compost bien mur utilisé pour cette expérimentation a été produit par les ménages bénéficiaires de bassins fumiers du projet de gestion des déchets solides à Sérékeni.
Sur chaque parcelle élémentaire est réalisée une pratique agricole bien identifiée, à savoir :
Parcelle N°1 : Technique Épandage uniforme du compost.
Sur cette parcelle, nous avons fait le modèle habituel qui consiste à épandre le compost de façon uniforme sur toute la parcelle.
Parcelle N°2 : Technique Zaï avec 262 poquets.
Le Zaï consiste à creuser des trous où on déposera le compost bien mur et au bout de quelques jours, on fera les semis. Cette technique consiste non seulement à récupérer les terres dégradées, mais à augmenter aussi les rendements.
Parcelle N°3 : Enfouissement du compost aux pied des plants entre le 8ième et le 10ième JAL
Cette technique consiste à réduire l’utilisation des engrais chimiques à travers l’apport du compost.
Parcelle N°4 : Témoin (Pratique paysanne)
C’est la parcelle témoin qui nous a permis d’évaluer la fertilité actuelle du sol, ce qui nous a aidé à faire la comparaison des résultats.
III.4.2. Renforcement des capacités des producteurs
Dans le cadre de ce champ école, les producteurs ont bénéficié de formations, à savoir :
- La technique du Bokashi
Le bokashi désigne un engrais organique fabriqué à partir de matière organique suivant un processus de fermentation. Cette méthode alternative de compostage est devenue populaire dans de nombreux pays du monde. Le bokashi est souvent considéré comme une solution plus rapide et plus pratique que le compostage traditionnel car la préparation fait appel à des éléments qui améliorent sa qualité et la maturation se fait en 15 jours seulement.
« Formation en Bokashi »
Des visites commentées suivant les différents stades de développement des plantes ont été réalisées avec les producteurs de Sérékeni au niveau des champs écoles sur les différentes technologies en cours.
- La technique de production des intrants biologiques : Bouillon de cendre, apichi et engrais liquide.
Les productrices et producteurs de Sérékeni ont été formés sur la production de bouillon de cendre.
Ce bouillon de cendre à moindre coût permet de lutter contre les ennemis de cultures (insectes piqueurs-suceurs et chenilles).
III.4.3. Sensibilisations sur l’agroécologie : Théâtre forum
En plus, un théâtre forum a été réalisé pour sensibiliser les populations de Sérékeni et environnant sur l’agroécologie et les bonnes pratiques agricoles.
« Théâtre forum de sensibilisations »
III.4.4. Promotion du jardinage basé sur les principes agroécologiques en milieu scolaire.
Dans le cadre du champ école, les membres de la brigade verte du centre de gestion des déchets solides et les élèves des écoles primaires du village de Sérékeni ont été formés en jardinage.
« Formation en jardinage, centre de tri » « Dotation petits matériels, école »
A l’issue de ces formations, des jardins potagers ont été réalisés par les participants au niveau du centre de tri et dans les trois (3) écoles primaires publiques de Sérékeni.
En plus de ces formations, l’association SEEPAT a remis aux participants de petits matériels pour le jardinage.
Les élèves de ces trois (3) écoles ont aussi bénéficié de formations en agroécologie et les mesures de protection sanitaire concernant la manipulation et l’utilisation des pesticides et engrais chimiques. Ces formations ont été assurées par les agronomes de l’association SEEPAT.
III.5. Résultats atteints :
- Environ 1 mois après les semis, on a fait le constat suivant :
Parcelle N°2 : Technique d’Épandage du compost.
Sur cette parcelle, nous avons fait le modèle habituel qui consiste à épandre le compost de façon uniforme sur toute la parcelle.
Parcelle N°3 : Technique Zaï avec 262 poquets.
Le Zaï consiste à creuser des trous où on déposera le compost et au bout de quelques jours, on fera les semis. Cette technique consiste à récupérer les terres dégradées et avoir un bon rendement
Parcelle N°1 : Enfouissement (5-10cm du pied des plantes) du compost aux pied des plants entre le 8ième et le 10ième JAL (Jour Après Levée).
Cette technique consiste à concentrer la dose convenable de compost au pied des plantes, évite le lessivage du compost par les eaux de ruissellement et à réduire l’utilisation des engrais chimiques.
Parcelle N°4 : Témoin
C’est la parcelle témoin qui va nous permettre de comparer l’effet de la matière organique (compost) sur les paramètres agro-morphologique et le rendement du maïs.
NB : L’engrais minéral NPK a été appliqué sur toutes parcelles au 30ième JAL et l’urée au 45ième JAL. La technique de micro-dose a été utilisé pour l’application des engrais. A cet effet, 1sac de 50kg/ha de NPK (au 30ième JAL) et 1sac de 50kg/ha d’urée (au 45ième JAL).
Remarque :
Parcelles | Constats |
Parcelles N°1 et 2 | Comportement quasi-similaire des plants, pas de carences, morphologie bien. |
Parcelle N°3 | Homogénéité au niveau des plants, plants très bien développés, pas de signe de carence. |
Parcelle N°4 | Plants très mal comportés avec hétérogénéité au niveau des tailles, présence de signes de carences. |
- A l’issue de la récolte du champ école, nous avons obtenu les résultats suivants :
Variété de maïs : Warri
Nombre total de parcelle : 04
Superficie de chaque parcelle : 84 m2
Techniques d’application du compost par parcelle élémentaire | Rendement réel (kg) | Rendement potentiel (kg /ha) |
Épandage uniforme | 40 | 4 761 |
Zaï | 44 | 5 238 |
Enfouissement du compost aux pied des plants entre le 8ième et le 10ième JAL. | 35 | 4 166 |
Témoin (Sans aucun apport) | 30 | 3 571 |
Conclusion : le rendement du maïs dans la commune varie entre 2 500 Kg et 3 500 Kg à l’hectare de 2020 à 2024 (Confère SDARAH, Décembre 2024). Cet état de fait peut s’expliquer par la non maitrise de l’itinéraire technique de production, la faible utilisation des semences améliorées, les mauvaises pratiques agricoles, la faible utilisation de la fumure organique, la pauvreté des sols, les effets du changement climatique etc.
Les résultats du champ école ont permis de montrer qu’en pratiquant l’agroécologie, le rendement à l’hectare peut s’améliorer à plus de 5 000 Kg.
Les producteurs disent être vraiment très satisfaits des résultats de ce CEP qui leurs a permis de connaitre et de maitriser l’itinéraire technique de production du maïs, les techniques d’amélioration de rendement agricole et de récupération des sols dégradés.
En outre, ils perçoivent les formations sur les bio intrants et les pratiques agroécologiques comme une solution aux dangers liés aux intrants chimiques de synthèse sur l’environnement.
L’adoption des pratiques agroécologiques à grande échelle contribuera à augmenter le rendement des producteurs et à réduire l’impact de l’agriculture sur l’environnement.
III.6. Difficultés et résistances rencontrées
Le champ école est mis en mal par les effets négatifs du changement climatique :
Mauvaise répartition spatio-temporelle des précipitations, inondation ;
Faible niveau de connaissance des producteurs sur l’impact des mauvaises pratiques agricoles sur l’environnement ;
Faible connaissance des techniques de récupération des sols dégradés (CRS/DRS) ;
Faible connaissance des techniques de production de fumure organique ;
Faible connaissance des pratiques agroécologiques par les producteurs ;
Manque d’initiative entrepreneurial.
III.7. Eventuelles stratégies de contournement de ces résistances et difficultés
Création d’un espace de rencontre et de débat sur les pratiques agroécologiques ;
Formation des producteurs en entrepreneuriat agricole ;
Mise en place d’un périmètre maraicher.
III.8. Plus-value par rapport aux pratiques existantes
L’initiative menée à travers ce champ école paysan a permis de mettre l’écologie au cœur de la vie quotidienne des producteurs en s’appuyant sur les savoirs et savoir-faire locaux pour compiler les bonnes pratiques et interroger par la même occasion la capacité de ces pratiques à changer d’échelle, et à être vectrices d’un autre mode de production agricole.
III.9. Perspectives et pistes d’amélioration
Ce CEP a permis aux producteurs disposant déjà de pratiques traditionnelles de renforcer leurs connaissances en agroécologie qu’il convient de remettre en marche et d’outiller pour impulser une transformation agroécologique des territoires.